Chaque année, au 2e dimanche de Pâques, c’est le fameux épisode de l’apparition de Jésus à Thomas qui nous est proposé comme Evangile. Je vous invite vraiment à commencer par lire ce passage de l’Evangile selon St Jean (20, 19-31) : https://www.aelf.org/2020-04-19/romain/messe .
Thomas pratiquait-il le confinement avant la lettre ?? Toujours est-il que le soir de ce premier jour de la semaine -ce jour où les femmes, au matin, découvrent le tombeau vide-, il n’est pas présent avec les disciples qui se sont réunis en prenant soin de verrouiller les portes, par peur de se faire arrêter comme Jésus l’avait été lui-même… La conséquence immédiate de son absence, c’est un décalage entre sa foi et celle des disciples qui se sont réunis et ont fait l’expérience de Jésus présent au milieu d’eux.
L’absence de Thomas ce soir-là est emblématique d’un phénomène qui se produit fréquemment, lorsqu’un chrétien se coupe d’une communauté réelle : sa foi entre vite en décalage, le scepticisme fait son irruption, et il devient chrétien « à sa sauce à lui »… Non pas qu’il faudrait se fondre dans le moule d’un troupeau, au sens péjoratif du terme, en s’interdisant toute originalité ou pensée personnelle ; la structuration personnelle de la foi est indispensable, et elle est forcément spécifique à chacun. Mais la foi chrétienne (et déjà la foi juive) est indissociable de l’appartenance à un peuple, à une assemblée que Dieu convoque. C’est d’ailleurs cela que veut dire le mot « Eglise » : une assemblée convoquée, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui, très concrètement, se rassemblent à l’invitation de leur Dieu. Notre ancien évêque de Tournai, Mgr Jean Huard, disait lors d’une de ses dernières interventions, évoquant la vie éternelle : « le Ciel est communautaire ». Et le cardinal Danneels, quant à lui, aimait à dire, sous forme d’avertissement : « un chrétien qui s’isole est un chrétien en danger de mort… ».
Je vous avoue que c’est ce que je redoute un peu, lors de ces semaines de confinement où les chrétiens n’ont plus la possibilité de se retrouver : que certains, lorsque les mesures qui restreignent nos libertés seront levées, se disent : « à quoi bon retourner à l’église ? J’ai pris l’habitude de regarder la messe à la télévision ou sur internet, et je ne m’en trouve pas plus mal »… Penser ainsi, c’est oublier que la foi ne nous est pas tombée du ciel, mais que nous l’avons reçue de personnes concrètes qui nous l’ont transmise, des personnes que nous avons côtoyées physiquement, qui ont été pour nous des modèles que nous avons pu toucher et voir… La foi se reçoit en Eglise, qui -comme une mère- nous engendre à la vie de Dieu.
Il est révélateur que Jésus, dans l’Evangile de ce jour, dit à ses disciples : « de même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Envoyer : qu’est-ce à dire, si ce n’est aller à la rencontre des autres ? Et Jésus a l’extrême audace d’envoyer sur ses disciples son Esprit Saint, pour qu’ils aient le pouvoir de remettre les péchés –ce qui est l’apanage de Dieu en personne ! Autrement dit : les disciples, en tant qu’Eglise, deviennent le relais vivant –le sacrement- de l’action bienfaisante de Dieu auprès de l’humanité.
Que grandisse en ce dimanche notre désir de tisser –dès que possible- les liens concrets qui nous relient les uns aux autres. Le début de la première lecture de ce dimanche disait :
« les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Actes des Apôtres, 2, 42).
C’est en famille que le Seigneur aime nous retrouver !
Abbé Jean-Pierre Lorette