Il n’est pas rare qu’après avoir regardé un film qui nous a profondément impressionné ou ému, nous le laissions résonner en nous. Les personnages ou l’histoire du film en viennent alors à nous rejoindre dans notre propre histoire personnelle, par l’un ou l’autre élément important qu’on peut qualifier d’universel ou commun à notre nature humaine.

C’est un peu ainsi que nous pouvons accueillir la fête de ce jour, au terme d’un long « film » liturgique qui a commencé le 26 février. Le temps du carême nous a remis en mémoire des étapes essentielles de l’histoire d’Israël, et de superbes récits de rencontre de Jésus (avec la samaritaine, avec l’aveugle-né, etc…). La semaine sainte nous faisait suivre Jésus dans sa passion et sa mort, jusqu’au matin de Pâques. Et durant le temps pascal, nous avons accueilli les récits où Jésus apparaît ressuscité à ses disciples, tout en suivant les débuts de L'Église racontés dans les Actes des Apôtres. Certes, il ne s’agissait pas de vivre ces 3 mois de façon extérieure, comme des épisodes d’un feuilleton ; c’était plutôt des récits d’expériences qui, à chaque fois, nous invitaient à nous mettre nous-même en chemin, en nous-même, vers Dieu et vers les autres. Mais aujourd’hui, la liturgie appuie sur le bouton « pause », et nous pousse à nous demander : qui est-il, au fond, cet « acteur » qu’est Dieu ?

Pour chercher une réponse à cette question, c’est encore et toujours l'Écriture qu’il nous faut scruter. Par exemple les 3 lectures de ce dimanche : https://www.aelf.org/2020-06-07/romain/messe. Dans la première lecture, Dieu lui-même se présente en proclamant son nom :

« Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » (Ex 34, 6). Dans l’évangile, ce sont des mots mis dans la bouche de Jésus dans son entretien avec Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 16-17).

Remarquons que dans la Bible, ce que nous apprenons de Dieu ne provient pas d’une spéculation abstraite sur Dieu, pensé comme un « en soi » clos sur lui-même, à la manière d’un raisonnement purement philosophique. À chaque fois, on nous parle de Dieu à travers ce qu’il est ou ce qu’il fait à l’égard d’autrui, comme s’il ne pouvait se définir que comme un «hors soi », toujours en relation, en dialogue, en sortie pour aller vers l’autre.

Lorsque les premiers théologiens chrétiens, formés dans la rigueur intellectuelle de l’héritage philosophique de l’Antiquité, se sont mis à penser Dieu tel que la Bible et surtout Jésus le révélait, ils ont discerné que Dieu tel qu’ainsi décrit ne pouvait être qu’Amour, un Amour impossible et impensable s’il est solitude absolue, mais un Amour rayonnant s’il est la communion perpétuelle et féconde entre des personnes distinctes qui ne font pourtant qu’un... Le mot « trinité » était désormais proposé pour spécifier la foi chrétienne en Dieu, et éclairait de très nombreux propos de Jésus (par exemple Mt 28,19 ; Jn 5, 19-24 ; 10,30 ; chap. 15 à 17) et des Apôtres, comme la salutation de Paul qui conclut la 2e lecture de ce jour : « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient toujours avec vous ! » (2 Co 13,13). Comme quoi la Trinité déborde en nous !

Être un dans la communion de personnes distinctes : n’est-ce pas notre aspiration la plus profonde, qui coïncide avec notre soif la plus authentique d’être aimé et d’aimer ? Pas de quoi nous en étonner, si nous avons été créés « à son image et à sa ressemblance » (cf. Gn 1, 27)…

Abbé Jean-Pierre Lorette

Article précédent Article suivant