Pour entamer la petite méditation que je vous propose aujourd’hui, je vous invite d’abord à lire cette réflexion écrite par l’abbé Paul Scolas, prêtre de notre diocèse et théologien bien connu chez nous.

Prendre soin
Il y a peu, un scientifique, Laurent Alexandre, annonçait que la première personne qui allait vivre mille ans était déjà née. Et voilà que cette personne vient de mourir du coronavirus !
Cela vient tout bouleverser. Pas seulement les prédictions de ce scientifique, mais la manière dont notre civilisation s’est constituée. Sa relation à la vie et à la mort, sa relation à la nature, aux biens, les relations qui nous font communauté. Cette pandémie nous convoque à un complet retournement, à une conversion.
Nous avons pensé le progrès humain comme une conquête qui aboutirait à tout maîtriser. Toutes les limites seraient bientôt dépassées, vaincues … même la mort !
Mais la vie n’est pas un produit dont nous disposons. Elle n’est pas un dû, pas même un droit, mais un don. Oui, un don et le don le plus précieux qui soit. Et ce don est fragile.
Ne nous sommes-nous pas caché cette fragilité ? Elle nous fait peur car elle peut conduire à de terribles souffrances. Mais elle est aussi le lieu de la rencontre, de la fraternité, de la compassion, de la joie partagée. Lorsqu’un petit humain vient au monde, on ne le programme pas. On accueille sa vie forte et fragile dans les bras, on s’émerveille, on en prend grand soin pour qu’elle grandisse et porte du fruit.
Le chemin pascal de Jésus est un chemin de vie et même de résurrection. Mais ce chemin ne nie pas nos fragilités, en particulier la violence et la mort. Il les affronte et les traverse. Et c’est l’amour comme don jusqu’à l’extrême qui fait naître et renaître la vie malgré tout.
Certains aujourd’hui adoptent un ton martial et guerrier. D’autres invitent à prendre soin les uns des autres Et c’est même ainsi que nous nous saluons désormais. Le soin ne serait-il pas notre vrai pouvoir, un pouvoir qui fait vivre ?
Paul Scolas

Ce texte est intéressant à confronter à l’évangile de ce dimanche, à savoir la résurrection de Lazare (Jean 11, 1-45) https://www.aelf.org/2020-03-29/romain/messe#messe1_lecture5 .

Cela vaut la peine de nous demander : de qui Jésus prend-il soin dans cet épisode, et comment prend-il soin ?

De qui prend-il soin ? De Lazare, qu’il ré-attire à la vie… et qui devra mourir une seconde fois (on évoque la décision de le tuer en même temps que Jésus, cf. Jean 12,10) ?!  Ne serait-ce pas plutôt des sœurs de Lazare, avec qui il entre en dialogue et qu’il conduit sur un chemin de foi et d’espérance ? Jésus prend-il soin de lui-même, quand on lui fait bien remarquer qu’en se rendant en Judée, il risque de se faire arrêter et lapider (cf. verset 8) ?

Comment prend-il soin ? La méthode de Jésus est curieuse : il attend deux jours avant de se mettre en route, alors qu’on l’appelle pour une urgence (cf verset 6) !... Arrivé sur place, il reste à l’entrée du village (cf. verset 30). Bref, pas pressé notre Jésus… Comme s’il ne voulait pas escamoter l’expérience de la mort et du deuil.  Et puis, on peut remarquer comment sa réaction est différente et complémentaire, selon qu’il s’adresse à Marthe ou à Marie. Avec Marthe, il parle ; avec Marie, il pleure. Il s’adapte à la sensibilité de chacune de ces deux femmes.

Le but de ce signe très fort qu’est la réanimation de Lazare est de nous entraîner dans la foi en la résurrection, on le comprend. Mais pas en théorie : dans l’expérience de notre destinée personnelle, qui tôt ou tard doit affronter la mort. Lisez la suite du chapitre, et vous verrez que ce signe de Jésus est la goutte qui fait déborder le vase, chez ceux qui ne le supportent plus… Le Christ ne nous invite à rien sans qu’il ne l’expérimente lui-même…

Jean-Pierre Lorette

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